Journal de recherche d’Éloi Desgrams, chapitre 2, p. 31

« Il est parfois inconcevable de s’imaginer toutes les choses simples que Razel a pu corrompre. Ainsi, un sympathique bonhomme de bois et de paille au milieu d’un champ est devenu cette créature étrange et paradoxale. Vivante, mais inorganique, maladroite, mais violente, espiègle, mais lâche. Depuis la grande corruption, en ces terres grotesques, existe maintenant le métier d’épouvanteux. Un fermier spécialisé dans la culture de l’Épouvantail. Leur procédé m’est inconnu et est un secret bien gardé, mais après avoir planté de nombreux hommes de paille dans leur champ, certains finissent par s’animer, se décrochent de leur piquet et prennent vie ! Grandement apprécié comme laquais, servant ou espion, je recommande de ne jamais sous-estimer un Épouvantail. Leurs apparences saugrenues et macabres cachent des êtres dangereux, fauteurs de trouble et extrêmement résistants. Imaginez quel genre de créature terrifiante peut se faire arracher un bras sans broncher ! Les Épouvantails qui décident de prendre la voie du combattant sont définitivement des adversaires étranges à rencontrer ! Repoussez plutôt cette aberration à l’aide de feu ou d’un familier corbeau. Il est assez ironique qu’ils aient gardé les mêmes faiblesses que leur homonyme sans vie. Devant ces deux tourments, l’Épouvantail ne vit que terreur et se terrera bien loin. Ne vous laissez pas berner, cette chose ne ressent rien. Pas la chaleur d’une accolade, pas le goût d’un bon repas ni le froid coupant du vent. Ils ne saignent pas, ne respirent pas, ne mangent pas. Ils sont faits de bois et de paille et sont dénués de toute sensation. Une recette bien ficelée pour créer des êtres complètement déséquilibrés. »