Journal de recherche d’Éloi Desgrams, chapitre 2, p. 82
« Bien que ces êtres étranges soient encore très méconnus, j’ai fait mes recherches et ce que j’ai trouvé m’a dressé haut le peu de cheveux qu’il reste sur mon crâne. Les Vonstrogen, aussi appelés Vivaces par la population moins éduquée, sont des entités qui vivent dans les plus vieilles et imposantes forêts de notre monde. Ils ont une apparence humanoïde, mais semblent avoir été presque entièrement consumés par les plantes, les racines, le lierre et les champignons.
Peu bavards, ils inspirent la crainte parmi les légions de Courbensaule. D’abord parce que leur alimentation première est la chair fraîche. Il n’est pas rare que différentes créatures disparaissent lorsqu’elles s’aventurent trop profondément dans la forêt. Les seules légions pour lesquelles le Vonstrogen n’a pas d’intérêt sont les Épouvantails et les Nécropolitains. C’est certainement une des raisons pour lesquelles la Vivace est évitée.
Il y a ensuite le sujet de leur reproduction, qui suffit à faire pâlir n’importe quelle espèce en tout Courbensaule. Lorsque le temps est venu, ces engeances asexuées pourchassent leur proie pour l’infecter de l’intérieur. Une graine très spéciale est engouffrée dans l’estomac de la victime immobilisée ou endormie et commence sa gestation. La naissance de son horrible progéniture tue l’hôte dans d’atroces souffrances. L’estomac d’abord perforé, puis l’abdomen charcuté devenant le premier repas du bébé Vonstrogen. On ne revient pas d’une infection par Vonstrogen. Cela n’est peut-être qu’une simple rumeur… Mais j’ai entendu que lorsqu’une Vivace plante la graine de son rejeton, elle meurt peu de temps après.
Ainsi, ces êtres inquiétants parcourent nos forêts et se basent principalement sur leurs instincts de survie. Ils préfèrent les milieux plus sauvages et sont principalement solitaires. Certains d’entre eux ont su rejoindre un peu la civilisation. Ils sortent de la forêt pour vendre des animaux, peaux et herbes. Les capacités à tenir une conversation varient d’un Vonstrogen à l’autre, dépendamment de leur implication dans la société. Ils sont très indépendants et on ne peut définitivement pas leur faire confiance. Qui sait s’ils ne prendront pas une croquée de votre jarret un de ces soirs… ou pire ! »
Les seigneurs vampires, en plus de leurs pouvoirs défiant l’imagination, possèdent celui de transformer des humains en ces créatures sans morale. Après la mutation, la création est abandonnée par le vampire et est livrée à l’amnésie que cause la transformation. Les Vamnazûls ne se souviennent pas de leur vie de mortels ni de qui les a engendrés. À part les quelques sentiments de “déjà-vu”, il se réveille seul et sans identité, à présent éternel.
L’immortalité a bien entendu ses conditions. Le Vamnazûl doit s’abreuver du sang d’un Seigneur Vampire minimum une fois par siècle. La non-conformité à cette loi vitale causera la mort définitive du Vamnazûl refusant de s’y soumettre. Mais ce qui nourrit réellement l’extase de ces bêtes sournoises, c’est le sang humain. Pouvant se nourrir de n’importe quelle légion, ils préfèrent de loin le goût enivrant du sang de la légion humaine. Le Vamnazûl est un prédateur et sa soif pour l’innocence est plus forte que tout. Son instinct lui dicte de le faire, de rejoindre cette exaltation cruelle en plantant ses crocs dans la peau douce des humains. Certains se contrôlent mieux que d’autres, mais je vous le dis, leur allure composée n’est qu’une ruse pour vous mettre en confiance.
Ces monstres assoiffés ont pourtant bonne réputation en ces terres damnées. Ils sont seigneurs, maires, banquiers, diplomates, tacticiens… Ils sont partout. Lorsque la nuit tombe, leur force, leur agilité et leur vitesse décuplent et ils sont pratiquement inarrêtables. Ils sont tous de fins manipulateurs et aiment l’excès. Il m'a été peu donné de voir des légions aussi dépravées et licencieuses que les Vamnazûls. Les immondes désirs obscènes auxquels ils se livrent sont suffisants pour se donner envie d’en finir en tant qu’humain. J’imagine que, quand on est immortel, il n’y a plus de limites à l’immoralité. Pas tout à fait morte, pas tout à fait vivante, cette légion provoquera la fin du genre humain si sa population continue de croître. »